Deux polémiques secouent le paysage médiatique français depuis une dizaine de jours. La première concerne la chronique de Stéphane Guillon sur le Ministre des Expulsions et des Contrôles d’Identité, le dénommé Eric Besson ; la seconde les propos d’Eric Zemmour sur Canal +, qui a déclaré : « La plupart des trafiquants sont noirs et arabes. C’est comme ça, c’est un fait. ». Stéphane Guillon est humoriste, Zemmour est journaliste au Figaro (même s’il n’y signe plus d’articles depuis des années) et commentateur politique sur RTL, Itélé, France 2, que sais-je encore. Le premier est payé pour faire rire, le second pour faire réfléchir. Ça n’est pas exactement le même métier. Encore que le rire devrait parfois faire réfléchir. Que reproche-t-on à Guillon ? De s’en être pris au physique du ministre. En tout cas, c’est ce que les observateurs bien-pensants affirment. Il a dit de Besson qu’il avait des yeux de fouine et le menton fuyant. Je dois reconnaître que moi aussi, j’ai été choqué. Vraiment ! On ne peut pas dire n’importe quoi, sous prétexte que c’est de l’humour ! Des yeux de fouine ! Un peu de respect, Monsieur Guillon ! Des yeux de fouine ! Guillon a-t-il jamais regardé une fouine ? C’est un des plus jolis animaux que je connaisse. Ses yeux sont vifs et expressifs, espiègles et pétillants ! Si j’étais fouine, je porterais plainte ! Besson n’a pas des yeux de fouine. Il a des yeux d’homme politique sans convictions, sans scrupules et sans principes. Et ce n’est pas son menton qui est fuyant mais sa conscience ! Ceci étant dit, je crois déceler quelques relents d’hypocrisie dans les critiques adressées au chroniqueur de France Inter. « on ne se moque pas du physique » entonnent en chœur les bonnes âmes. Certes. Certes. J’ai pourtant cru entendre les comiques consensuels, ceux dont on loue le bon goût, par exemple Ruquier, dire de Martine Aubry qu’elle est « moche ». J’ai cru entendre TOUS les rigolos de service se gausser de la petite taille du Tsar Kosy. Or, dois-je le répéter, le Tsar n’est pas petit, il est bas. C’est pourquoi son ministre-girouette s’appelle Baissons. Zut, il ne faut non plus se moquer des noms ! Mais venons en à Eric Zemmour, dont les mêmes bonnes âmes prennent la défense au nom de la liberté d’expression et du refus du politiquement correct. Sa phrase, dit-il, n’est qu’un simple constat. « La plupart des trafiquants sont noirs et arabes. C’est comme ça, c’est un fait ». Outre qu’une telle affirmation mériterait une vérification un peu plus rigoureuse. Outre qu’elle mériterait également d’être pondérée par des considérations d’ordre sociologique (misère, chômage, discriminations…), elle est scandaleuse pour d’autres raisons. D’abord, j’y vois poindre comme un regret, celui du bon vieux temps où « la plupart des trafiquants étaient corses, marseillais ou siciliens ». Un trafiquant est un trafiquant, peut m’importent ses origines. Ensuite, cela revient à prétendre que si tous les Noirs et Arabes ne sont pas des délinquants, presque tous les délinquants sont des Noirs ou des Arabes. D’où méfiance, suspicion, peur, sentiment de rejet du bon peuple à l’encontre de cette population. Kisséki dit merci ? Jean-Marie (dont il ne faut pas se moquer de la borgnitude car au royaume des aveugles…). Enfin, même si cette déclaration péremptoire était fondée, elle serait nauséabonde. Et je le prouve. Remplaçons le mot trafiquants par une fonction légale, non délictueuse, par exemple « responsables du show-biz ». Rien d’infâmant, n’est-ce pas ? (Enfin, en principe…). Et puis écrivons : « la plupart des responsables du show-biz sont des Juifs. C’est comme ça. C’est un fait ». Eh bien, cette phrase, qui n’est ni une calomnie, ni une accusation diffamatoire, cette phrase somme toute d’apparence anodine, cette phrase est une saloperie ! Et comme dit l’autre, c’est comme ça, c’est un fait. Une belle dégueulasserie. Insidieuse. Une saloperie qui n’ose pas dire son nom. Alors, entre un humoriste qui profite, comme c’est l‘usage dans les pays démocratiques depuis des décennies, d‘une sorte d’immunité bienvenue, et un donneur de leçons qui sème les germes de réflexes particulièrement dangereux, j’ai la faiblesse de préférer le premier. Et si l’on reproche à certains humoristes de se mêler de ce qui ne les regardent pas, il serait bon de se rappeler que si Coluche ne l’avait pas fait, 100 millions de repas n’auraient pas été distribués aux plus démunis cet hiver en France !
Jeudi 1er avril 2010
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