Afin de ne pas faire de pub gratuite, et de ne pas risquer de priver notre hebdomadaire d’un éventuel annonceur, je vais remplacer, dans les lignes qui suivent, le nom d’une grande marque automobile par un joker: le mot Pédoncule.
Pourquoi Pédoncule? Eh bien… Pourquoi pas?
Voici donc un résumé partiel et sans doute partial des dernières aventures d’un célèbre fabricant de casseroles à roulettes que nous appellerons, par prudence et par lâcheté, Pédoncule. Cette marque est très célèbre, depuis les tout débuts de l’automobile. Elle l’est aussi parce que son propriétaire s’est illustré pendant la Première Guerre mondiale, lors du fameux épisode des «taxis de la Marne», et durant la Seconde Guerre mondiale par des faits, non pas d’héroïsme, mais de Kollaboration notoires. Monsieur Pédoncule, qui avait donné son nom à l’entreprise, mourut en prison avant son procès. À la Libération, la société Pédoncule fut donc nationalisée. Elle continua à fabriquer des bagnoles, parmi lesquelles des modèles qui sont entrés dans la légende.
Tout le monde se souvient notamment de la formidable quatre-chevaux Pédoncule. Pour ma part, je me souviens avec émotion de ma toute première voiture, une Pédoncule 6 TL, 850 cm3, hayon arrière, la grande sœur, disait-on, de la Pédoncule 4L, qu’on appelait P4, comme on aurait dit R4, si Pédoncule avait commencé par un R. Plus tard, je me suis offert une P4 GTL neuve. Une extraordinaire petite voiture qui ne me trahit jamais, jusqu’à ce que, bêtement, je l’échange contre une P9. Ce modèle tombait en morceaux et ne laissa à personne un souvenir plaisant. Elle fut remplacée assez vite par une vieille P11, plutôt sympathique. Puis, un beau jour, je fis l’acquisition d’une P21 neuve. Laquelle ne me laissa pas mourir d’ennui. Démarreur, alternateur, courroie, Durit, radiateur… elle inventa chaque jour ou presque une vacherie pour m’occuper. Tant et si mal qu’elle me jeta dans les bras d’une redoutable concurrence, celle de manufacturiers qui fabriquent des voitures fiables. Une pure folie. La caisse dont je fis l’acquisition alors, de marque européenne mais équipée d’un moteur japonais, ne me lâcha jamais, au point qu’il me fallut la balancer cruellement, quand elle dépassa les 278.000 kilomètres, sans jamais faillir!
J’avais mauvaise conscience, non pas de me séparer d’une si fidèle monture, mais d’avoir acheté un produit «étranger». En fait, j’appris bien vite que les bagnoles européennes sont fabriquées un peu partout dans le monde, tandis que les asiatiques le sont aussi chez nous. Effet de la mondialisation, le patriotisme automobiliste n’a plus aucun sens.
Mais revenons à Pédoncule. Le PDG de Pédoncule, qui est aussi celui d’une grande marque japonaise, qui sans doute par contagion est devenue la moins fiable des marques japonaises, gagne plus de pognon en un mois que la famille d’un de ses ouvriers n’en dépensera en cinq générations. Sans doute le mérite-t-il, parce qu’il est génial et infaillible. J’ai vu ce phénomène d’intelligence et de lucidité au journal télévisé. Il venait commenter la mise en cause de trois cadres accusés d’espionnage industriel au bénéfice des Chinois. J’avoue que ça m’a fait rigoler. Connaissant un peu les Chinois, malins comme des… comme des Chinois, je les imaginais mal venir copier les derniers modèles de chez Pédoncule! Ils seraient allés au Japon ou en Corée, c’est moins loin de chez eux! Donc le deux fois PDG surpayé déclara en substance, au sujet de ces fameux employés James Bond, «nous avons des certitudes, autrement, je ne serais pas là». Des certitudes, ça n’est pas rien! Et puis on apprit que tout cela n’était qu’un tissu de conneries, que les cadres incriminés étaient innocents et que Pédoncule s’était fait rouler comme jamais un de ses récents produits n’avait su rouler!
Outre l’interrogation légitime sur le fait que l’homme aux certitudes n’a pas eu la décence de démissionner, cette affaire pose une autre question: puisque, quand le big boss de Pédoncule prétend avoir des certitudes devant le monde entier, il s’avère qu’il a tout faux, que penser des pubs qui affirment que les voitures de chez Pédoncule sont fiables, confortables, économiques et sûres?
Tant que la direction de Pédoncule n’aura pas été virée sans indemnités, je ne pourrai pas avoir confiance dans les voitures de la marque Pédoncule. Si on condamne les mauvais conducteurs de voitures, on peut bien sanctionner les mauvais conducteurs des entreprises qui les fabriquent!
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