L’an passé, j’avais commencé ma chronique du 14 juillet par cette phrase: «Ma France, aujourd’hui, c’est ta fête. L’officielle, certes, pas vraiment festive, avec cette musique qui marche au pas, ces hommes blindés et ces véhicules en uniformes, mais surtout la populaire, celle qui guinche joyeusement sous les lampions, aux sons de flonflons sans prétention.»
Aveuglé par une naïveté congénitale incurable, je n’avais pas soupçonné que l’expression d’une vague critique du défilé militaire était en fait un acte de haute trahison. Pire, une manifestation du complot de l’«ANTIFRANCE».
La pauvre Eva Joly ne devait pas en être consciente non plus. Sa suggestion de remplacer le traditionnel défilé militaire par une fête populaire aurait pu provoquer des réactions normales, du genre «je suis contre» ou «je suis pour» ou bien «je n’ai pas d’opinion sur le sujet», ou encore «je m’en contrefous».
Eh bien, non, la candidate écolo a malencontreusement ouvert une benne à ordures de laquelle se sont déversées des tonnes d’immondices aux relents nauséabonds chers à l’extrême droite franchouillarde. Que ces saloperies malodorantes viennent de Narine Le Pen, rien d’étonnant. Qu’elles émanent de ses proches cousins de la droite dite populaire, c’est assez banal. Mais le ban et l’arrière-ban de la droite dite classique ont tenu à ajouter des détritus à cet amas de rognures. J’ai même entendu le président de la Commission de la défense à l’Assemblée nationale, le député UMP Guy Teissier, affirmer, entre autres sottises: «Je suis consterné d’entendre de telles déclarations, qui me rappellent les années d’avant la dernière guerre mondiale, où les pacifistes et les antimilitaristes nous ont amenés à cette triste défaite de 1940.»
Ah bon? Il a séché ses cours d’histoire, le président de la grosse commission? Les généraux Gamelin et Weygand, ils n’y sont pour rien, dans la triste défaite? Le plus grand traître, le plus grand salopard de cette époque ne fut-il pas le plus haut gradé de l’armée, Maréchal de son état (délabré) et zélé kollaborateur, antisémite notoire et sympathisant des idées nazies bien avant la guerre, le dénommé Philippe Pétain?
Le plus désolant dans ce concours de bêtise a été Fillon, d’habitude mieux inspiré, qui a osé déclarer: «Cette dame n’a pas une culture très ancienne des traditions françaises.» Stupide et ignoble! Madame Joly est française depuis cinquante ans! Qu’elle soit aussi norvégienne n’en fait pas un élément de la cinquième colonne. Faut-il avoir peu de mémoire pour confondre patriotisme et nationalisme.
Dans un excellent article, Edwy Plenel nous rappelle que: «Selon un recensement officiel au 31 juillet 1943, sur l’ensemble des FFL, on comptait alors 66% de soldats coloniaux, 16% de légionnaires pour la plupart étrangers et, selon les termes d’époque qui, hélas, font retour, seulement 18% de « Français de souche ». Indépendamment de la Résistance intérieure, où les étrangers, des FTP-MOI (pour « main-d’œuvre immigrée ») aux républicains espagnols, étaient déjà en nombre, les troupes militaires qui ont permis cette restauration républicaine dont Charles de Gaulle reste, pour l’histoire, le symbole venaient à plus de 80% des ailleurs coloniaux et des lointains étrangers.»
Pour conclure, je laisserai la parole à deux génies. Le premier a écrit, en 1934: «Ceux qui aiment marcher en rang sur une musique: ce ne peut être que par erreur qu’ils ont reçu un cerveau, une moelle épinière leur suffirait amplement.» Il s’appelait Albert Einstein et seuls des antidreyfusards nostalgiques pourraient lui reprocher de faire aussi partie de l’ANTIFRANCE, puisque juif ET Allemand.
Le second est bien français et parlait ainsi du 14 juillet, devenu fête nationale en 1880: «Messieurs, le 14juillet est une fête. Quelle est cette fête? Cette fête est une fête populaire. Voyez la joie qui rayonne sur tous les visages, écoutez la rumeur qui sort de toutes les bouches. C’est plus qu’une fête populaire, c’est une fête nationale. Regardez ces bannières, entendez ces acclamations. C’est plus qu’une fête nationale, c’est une fête universelle. Constatez sur tous les fronts, anglais, espagnols, italiens, le même enthousiasme; il n’y a plus d’étrangers.» Celui-là s’appelait Victor Hugo*.
Mais les va-t-en-guerre qui vomissent leur haine contre Eva Joly préfèrent la progression: compatriote – combattant – convaincu. Parce qu’ils se reconnaissent dans la première syllabe?
La citation de Victor Hugo correspond plus aujourd’hui à ce qu’on ressent ici, à Luxembourg, le 22 juin au soir!
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