Ce dimanche, de pieux vandales, scandalisés par une «œuvre d’art» du photographe Andres Serrano, intitulée Piss Christ, photo représentant un crucifix trempé dans un verre rempli de l’urine de l’auteur, ont pénétré dans un musée d’Avignon pour détruire l’objet du scandale.
Quelques semaines avant, des Afghans se sont fait sauter au milieu de braves gens pour protester contre un pasteur américain qui avait brûlé un exemplaire du Coran. À Strasbourg, un zinzin a pris trois mois de prison pour avoir uriner sur un autre exemplaire du Coran. Et moi, ce vendredi, qui, rappelons-le est vendredi saint, je vais sûrement avaler une énorme assiette de boudin, même si je n’aime pas ça!
Pas seulement parce que je suis un rebelle, un authentique révolutionnaire, un iconoclaste indomptable, et courageux! Mais au-delà de cette fabuleuse provocation, qui restera dans les annales comme une action prométhéenne historique, mon repas sulfureux de vendredi sera une œuvre d’art. Je me photographierai en train de bouffer du boudin, avec un exemplaire du Bild du jour prouvant que c’est bien vendredi saint. Pourquoi le Bild,? Eh bien à cause de la femme à poil. Puis je frotterai la photo contre un missel et je boirai de l’eau bénite avant d’aller accrocher mon chef-d’œuvre dans un musée.
Ça s’appellera boudin saint et bout d’un sein. Évidemment, je ferai largement savoir que je suis un génie et que ma photo est scandaleuse. Puis, j’attendrai que la presse en fasse des tonnes et que les gogos se ruent dans l’exposition pour détruire ce que d’aucuns salueront comme un apport décisif à l’art conceptuel et d’autres comme une injure à l’encontre de la religion.
Une fois la photo déchiquetée, j’aurai beau jeu de me féliciter de la pub inespérée dont j’ai bénéficié et de me plaindre de l’obscurantisme hystérique des intolérants qui ont osé s’en prendre à une œuvre d’art. Ensuite, je pourrai toujours exposer n’importe quoi, je serai sûr d’attirer l’attention des médias! C’est l’histoire du musée d’Avignon qui m’a donné cette idée lumineuse. Car de quoi s’agit-il? D’un piège à cons. Ce crucifix plongé dans l’urine aurait compté autant, dans l’histoire de l’art, que le Snoopy en crottes de nez que j’avais fabriqué à l’école primaire, si personne n’avait cru bon d’en parler et si des pigeons ne s’étaient pas cru obligés d’aller le taillader au couteau.
La provocation ne réussit que si des naïfs tombent dans le panneau. Les fidèles un peu trop convaincus des différentes religions ne sont pas les seuls à se faire berner. Il y a peu, un autre «artiste» inspiré a été condamné pour avoir eu des gestes déplacés à l’encontre d’un drapeau français. Et la République (ou ce qu’il en reste) a immédiatement sévi, faisant au guignol un procès et une pub d’enfer. Les symboles ont une importance pour ceux qui y croient. Que ceux qui n’y croient pas les insultent, les dénigrent, les flétrissent, les dégradent… grand bien leur fasse. Il faut s’en foutre.
Qu’un excité pisse sur le buste de Victor Hugo à Vianden, je le prendrai pour ce qu’il est, un sinistre con (l’excité pas Victor), mais je n’irai pas le noyer dans l’Our. Il faut s’en foutre, je le répète. Le symbole n’est qu’une représentation, dont la valeur n’est que relative.
Savez-vous qu’à chaque fois que vous déchirez l’emballage d’une portion de Vache qui rit, vous avilissez la représentation la plus sainte qui soit? Celle de ma religion, connue sous le nom de Zagamuk, dont la Vache qui rit est le Dieu tout-puissant. Pourtant, je n’ai jamais poursuivi de ma vindicte les mécréants qui s’en prennent à ce symbole sacré. Suffit de s’en foutre, encore une fois!
En revanche, quand, à Luxembourg, des usagers des transports en commun menacent de boycotter les bus affichant une pub pour une association athée (www.AHA.lu), je m’inquiète. Ils sont cons ou ils n’aiment pas le bus? Leur entrée au paradis sera-t-elle menacée par le fait qu’ils se soient assis dans un de ces véhicules? J’étais, il y a peu, dans une chambre d’hôpital ornée d’un crucifix. Je ne l’ai pas décroché, je n’ai pas demandé qu’on l’enlève, je ne me suis pas converti, je n’ai pas eu de révélation divine et je n’ai pas choisi non plus, pour protester, de mourir en martyre sur mon lit de douleur! J’ai héroïquement survécu, un peu pour le narguer.
Car à dire vrai, ledit crucifix se foutait autant de ma présence, que je me foutais de la sienne.
Articles similaires
Commentaires sur cet article: Aucun
Saisir un commentaire