Je veux et j’exige, j’exige et je veux (comme se répètent les comédiens consciencieux avant d’entrer en scène, afin de vérifier que leur langue n’est pas coincée dans une prémolaire), je veux et j’exige, que cette année 2012 comble les vœux les plus fous de mes chers lecteurs du Jeudi. Il est certes difficile de croire que 2012 ne sera pas pire que 2011, mais l’espoir fait vivre, paraît-il ! Et puis, il ne s’agit pas de prévisions mais de souhaits. La différence entre les deux, c’est qu’une prévision, c’est un peu comme une promesse, ça n’engage que les gogos qui y croient. Alors qu’un souhait, ça n’engage personne, ni l’émetteur, ni le récepteur. Pierre Dac a dit l’essentiel sur les prévisions, dans son célèbre théorème : « Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir. ». Je me permets d’ajouter à la clairvoyance du Maître, cette humble constatation : « Quand on s’attend au pire, on est rarement déçu ». Mais est-il possible de souhaiter le pire à ceux qu’on aime, sous prétexte qu’ils seront satisfaits de subir ne serait-ce que du presque pire. A quoi ressemble le pire ? Cela dépend évidemment de la catégorie de voeux et de ceux à qui on les adresse. Prenons quelques exemples. Si le Jeudi est lu en Corée du Nord, (ce qui est fort probable, car ce grand pays démocratique aime les journaux et ceux qui les écrivent), il faut souhaiter au peuple coréen que son nouveau leader soit en pleine forme et qu’il devienne aussi puissant que son père et son grand-père. C’est le pire qu’on puisse souhaiter au peuple coréen. Si le nouveau grand leader survit à cette année mais attrape quand même une tendinite au poignet à force de saluer la foule d’un élégant mouvement de la main droite, les braves Coréens pourront se dire : « Bon, il n’est pas mort, ce salaud, mais ça aurait pu être pire, il aurait pu n’avoir aucun ennui de santé ». Du coup, nos bons vœux feraient de l’effet car, pour une fois, les Coréens auraient une raison de se réjouir. Aux Français, il faut souhaiter la victoire de Jean-Marine Le Pen aux prochaines élections présidentielles. Ainsi, si Sarkozy l’emporte, au lieu de se suicider collectivement en se disant « c’est pas possible qu’on soit aussi cons », les Français pourront se consoler en se remémorant nos vœux et en affirmant : « On a eu chaud, si le Jeudi avait été exaucé, à la place du Tsar Kozy analphabète, vénal, arriviste, népotiste, guignolesque, xénophobe et menteur, on aurait pu avoir une crypto-facho analphabète, vénale, arriviste, népotiste, guignolesque, xénophobe et menteuse. Du coup, nos bons vœux feraient de l’effet, car, pour une fois, les Français auraient une raison de se réjouir. Aux Luxembourgeois, il faut souhaiter que le Cheick Hamad ben Jassim ben Jaber al Thani soit nommé Grand-Duc et son épouseS GrandeS-DuchesseS. Ainsi, si le Cheick ne devient que le PDG des deux tiers des entreprises du pays, les Luxembourgeois pourront se dire : « Ouf, on s’en tire pas trop mal, s’il était devenu Grand-Duc, il aurait fallu apprendre une langue de plus et se mettre des rideaux Vichy sur la tête ». Du coup, les Luxembourgeois seraient réconfortés et la menace pressante de révolution armée s’éloignerait un peu. Donc, à vous, chers lecteurs du Jeudi, en application scrupuleuse de cette nouvelle approche des vœux dont je viens de démontrer l’efficacité, je souhaite que votre hebdomadaire soit racheté par le Figaro et devienne une mélange de Pravda et de Bild, au service des puissants et des possédants, avec révélations croustillantes sur la vie cachée des pipoles. Que les chroniques s’intitulent toutes « Gloire à nos dirigeants éclairés et à nos princes si bien habillés», que les rubriques culturelles soient remplacées par les cours de la bourse, que les articles et éditoriaux soient supprimés au profit de dépêches d’agence, que la Une présente une jolie dame dénudée et que 80% de la surface du canard soit réservée à de la pub ! Ainsi, si notre hebdo restait simplement ce qu’il est, ses lecteurs se féliciteraient de continuer à l’acheter en pensant que finalement, tout ne va pas si mal que ça ! Quant aux autres périls planant sur les 366 jours à venir, n’y pensons pas. Si 2011 a été l’année la plus chaude depuis les premières statistiques météorologiques, 2012 a peu de chances de faire pire ! Et puis, c’est un peu de notre faute : on s’est réjoui de la fin de la guerre froide, et maintenant on se plaint du réchauffement climatique. Faudrait savoir !
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